Automne, tristesse et dépression. (Partie 1/2) 

A chaque saison ses joies, il y a toujours quelque chose a transcender !

Ce matin la météo annonçait le passage d’une grande dépression et la baisse des températures !

D’un point de vue yogique l’automne est aussi la saison des poumons, de la tristesse et donc potentiellement de la dépression. Chaque saison est ainsi l’occasion de mettre de la conscience sur ce que nous traversons. Non pas avec fatalisme, comme si cela allait durer tout le temps, mais d’une manière plus légère et organique en réalisant que cela s’intègre au cycle du vivant et l’impertinence. 

De façon très pragmatique nous savons, comme le jardinier, que c’est en faisant ce qui est à faire à chaque saison que nous pourrons vivre la saison suivante avec le plus de sens et de perspective pour notre croissance et notre floraison !

Dans l’enseignement yogique de Yogi Bhajan, la dépression froide désigne l’état dans lequel nous mettent les conditions de vie actuelles, faites de surcharge d’information, de suractivité, et  d’un manque cruel de temps pour soi-même et pour nos proches.

La demande extérieure est si intense que la réponse intérieure ne peut pas suivre. 

« Froide », car on ne s’aperçoit pas que l’on glisse peu à peu du stress à la dépression. 

Si on continue ses activités qui nous font souffrir ce n’est pas uniquement parce que nous ne savons ou ne pouvons faire autrement. C’est également une manière de fuir une douleur plus profonde, une douleur qui nous effraie d’autant plus que nous ne la connaissons généralement pas encore : la séparation avec notre être intérieur. 

Les yogis l’appellent « le silence de l’âme ». La séparation, l’anxiété, la perte de sens sont là, mais elles ne sont pas encore ressenties consciemment. 

Nous fuyons dans les faux espoirs, les leurres ou les fantasmes. Tout ce qui peut nous procurer un faux sentiment de complétude : le travail excessif, les sports extrêmes, les stimulants, les drogues, les dépendances affectives, … Tout ce qui nous permet de mettre un voile sur notre intimité. L’intimité étant ce qui touche à l’essence de notre être profond. 

La dépression est ainsi le signe que nous nous sommes trop éloigné de nos besoins et de notre vérité. La dépression nous rappelle notre besoin d’exister et nous invite à reprendre le chemin de nous-même. Nous pouvons alors, bien sur pratiquer le yoga et la méditation, mais de façon plus générale, toute activité qui permet de retrouver une connexion, vrai et sincère, à notre intériorité. Depuis cet espace nous recevons des informations qui nous guident, de manière non mentale, à faire des choix de vie plus en accord avec notre âme. 

A une époque de ma vie ou mon automne intérieure durait parfois 9 mois de l’année ! j’en suis arrivé à me demander pourquoi je me complaisais autant dans la tristesse ? Avec ma bande de copains nous étions très créatifs à nous distraire mais je préférais parfois me retrouver seul avec le romantisme, la nostalgie, voir la lamentation. Je préférais ressentir le manque, ou pleuré une disparition que de me distraire. 

Je trouvais dans ce silence et cette profondeur une sensation de vivre plus authentique que dans l’intensité et le fanfaronnage que je partageais avec les copains. Je comprend maintenant qu’en fait cela ressemblait à l’amour. Un amour triste et romantique, un amour contrarié, mais au moins de l’amour. Après avoir bien touché le fond, je pouvais rejoindre mes copains et manifester une joie sans précédent, comme rien de c’était passé avant. Comme si la tristesse et la joie avant la même source ! 

Je comprends aujourd’hui, que comme beaucoup d’enfants qui se sont construit dans la solitude, j’avais amalgamé la tristesse à l’amour. 

La tristesse est une émotion « marécageuse ». Comme une balade avec seulement des accords mineurs, la tristesse fait tourner en boucle une mélodie mortifère. Rythmé par l’apitoiement sur soi-même et des histoires de victimisation, des notes sombres de désespoir, des tons noirs de désespérance, des double-croches de relations impossibles, des temps morts avec nos chers disparus.

Si on la laisse se nourrir d’elle-même, la tristesse peut se transformer en dépression et désorganise immanquablement à la fois notre vie, notre chimie et notre santé. D’autant plus quand elle est associée à la drogue, l’alcool, les médicaments ou tout simplement une vie qui ne respecte plus les lois élémentaires du vivant. 

Paradoxalement quand la tristesse est ressentie pleinement elle montre autre visage, elle nous ouvre la porte de ce que Pema Chödrön appelle « le courage au coeur tendre ». Qu’elle évoque en particulier dans son livre « confiance inconditionnelle », qui a été pour moi une ressource précieuses quand j’ai traversé un grand marécage de tristesse. (Disponible en version audio gratuite ICI

Elle indique une issue vers un état de résilience, chargé de compassion et de tendresse qui permet d’«Entrer à nouveau en amitié avec soi-même » (Qui est également le titre d’un autre de ces livres). 

La tristesse est là pour être vécu. Elle contient une énergie qui demande à être libérée, à travers les larmes en particulier. Je pense parfois même à travers les poumons, la gorge et le son. Je me souviens avoir passé une nuit à hurler comme un louveteau seul, abandonné par la meute, incapable de continuer à vivre dans un environnement glacé et hostile. Hurler ? Peut-être faute d’avoir pu nommer et verbaliser.

Quand j’ai tout pleuré, je ne lutte plus pour que les choses soient autrement et peux m’ouvrir à un autre espace. Je peux ressentir plus en subtilité, au delà du voile émotionnel, ce qui est vraiment là pour moi. Je peux revenir à la maison, dans cet espace intérieur paisible et tranquille qui a toujours été là et sera toujours là. D’ici je peux ressentir ma tristesse juste pour ce qu’elle est, une énergie qui me traverse et souhaite initier un mouvement. Il ne s’agit donc pas de me résigner mais de faire une pause, prendre de la hauteur et m’ouvrir à un nouveau champ de perception et de compréhension. 

De la même façon que la colère peut être un pont vers la force et la peur vers le désir, la tristesse peut engendrer l’humilité, la compassion, une douce joie du cœur et d’autres états d’être profonds et élevés qui sont de précieuses ressources.  

Cela fait écho à un point fondamental de la tradition tantrique : la compréhension que les sentiments inconfortables (peur, avidité, colère, ainsi que la tristesse), qui agissent tels des poisons dans le corps et l’esprit, peuvent devenir les alliés de notre libération. Leur capacité à tirer vers le bas nous permet, à travers la transcendance, de nous  élever au-dessus de notre façon ordinaire de voir, d’être et d’agir dans le monde. 

La tradition tantrique considère tout ce qui existe comme étant constitué d’énergie créatrice divine, une vision radicalement non-duelle qui peut nous aider à reconnaître le pouvoir caché qui émerge lorsque nous abordons de façon constructive ces états généralement considérés comme négatifs. Un aphorisme tantrique dit : « Ce par quoi tu tombes est ce par quoi tu t’élèves ». 

Cette façon de travailler avec la tristesse n’est pas facile, mais je n’en connais pas de meilleure ! C’est un peu comme le surf. Pour réussir, nous devons nos accorder à la fois aux courants, à la houle et au vent. Nous devons accepter d’être emporté par un rouleau et de manger du sable ! Nous devons rester attentif aux qualités du surf, de nos cuisses et de l’état de la mer. Nous restons engagé et nous abandonnons à la pratique. Nous sommes sans attente et sortons du temps. 

Et quand enfin les conditions sont réunies, que nous sommes redressés, nous goutons à une joie  profonde, celle de nous être retrouvés intimement et d’avoir abonné un conditionnement, un attachement ou un fantasme qui nous limitait. 

(2e partie à venir prochainement) 

Frédéric Marr

1 commentaire
  • Baillif
    Répondre

    Je sais très bien de quoi tu parles… Merci Frédéric de ce partage
    Sat nam

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *